Nous profitons toute la semaine de la famille André élargie. Au programme : un apéro entre voisins, la visite de Besançon et de sa citadelle, les sorties d’école et les devoirs (rapides, les enfants sont efficaces !), un dîner-concert de Bouzouki au café associatif « La p’tite Suzanne » à Lannans, l’inauguration d’une plaque en l’honneur d’un résistant de Landresse par les élèves du village dans le cadre de l’hommage national aux victimes de la déportation, le match de foot du samedi opposant Sancey aux Monts de Villers « allez Corentin ! allez Colin ! », une soirée flammeküche/pizza (toujours entre voisins !), la traite des vaches, une balade dominicale au Mont d’Or, des parties de palet vendéen endiablées, une pêche miraculeuse, un déjeuner d’anniversaire avec toute la famille… et plein d’autres joyeux moments.

On savoure cette occasion de partager une petite tranche du quotidien de Steph, Seb, Corentin et Baptiste, ce qui change de nos visites habituelles du week-end.

Nous quittons Courtetain par un matin brumeux mais promettant un joli soleil. La Suisse n’est qu’à une journée de vélo d’ici et voici déjà les premiers paysages de montagne et les premières longues ascensions qui les accompagnent.

La frontière est franchie au Saut du Doubs, par des petits chemins et une passerelle sur la rivière, sur les traces des contrebandiers qui trafiquaient ici jadis. Gonflée par les pluies de ces derniers jours, la cascade cherche à impressionner les visiteurs. Elle gronde en déversant ses eaux furieuses de près de 30m de haut…Et dire que certains l’ont défiée en kayak ! (les images ici pour les curieux). Côté Suisse un chemin de rêve sous le soleil de fin de journée longe les gorges et nous conduit au camping des Brenets pour notre première nuit helvétique au bords du Doubs.

En nous retournant sur ces 750 premiers kilomètres de déambulation française par des petites routes quasi-confidentielles, nous mesurons la chance d’habiter un pays sillonné par ces axes très peu fréquentés. Un paradis du vélo, pour peu que l’on se donne la peine de préparer minutieusement son itinéraire pour les dénicher. Les pays accidentés qui nous attendent concentrerons vraisemblablement plus de trafic sur leurs réseaux moins denses car plus contraints par le relief.

Nous traversons le pays horloger par Le Locle et La Chaux de Fonds. C’est un Jura agricole, où les fermes/chalets dispersées sont tirées à quatre épingles et où le jaune des pissenlits a remplacé celui des colza, qui nous conduit à Neuchâtel, jolie cité lacustre, via le col de « La Vue des Alpes », premier panorama sur la chaîne enneigée qui nous escortera désormais pendant des semaines.

Le maillage et le tracé des itinéraires cyclables suisse nous impressionne déjà. Évitant le trafic, ramenant dans le centre des bourgs, utilisant la moindre venelle, le moindre passage, ils constituent un véritable réseau parallèle qui homologue le vélo comme moyen de locomotion égal de la voiture. Le (petit) revers de la médaille : dans les vallées ou aux abords des villes, les pistes cyclables côtoient souvent les autres infrastructures (autoroutes, voies ferrées, zones industrielles…), pas toujours agréable pour le cycliste en voyage.

Point de mire pour la traversée du plateau Suisse : Berne. Sarah et Arthur, rencontrés sur leurs vélos sur la route d’El Calafate il y a 7 ans, nous y attendent avec une délicieuse fondue fribourgeoise (100% vacherin) après cette longue journée de plus de 90 km, 1400 m de dénivelée, et un fort vent de face. Heureuses retrouvailles dans une complicité naturelle qui ne se dément pas. Nous avons l’impression de les avoir quittés hier.

Nous passons une journée à flâner en touristes à travers la ville dans une ambiance estivale. Arthur et Sarah ont pris leur vendredi et proposent de nous accompagner pour trois jours de pédalage jusqu’à Lucerne. Nous sommes ravis. Estelle et Marius, qui ont agrandi la famille depuis l’aventure sud américaine, sont installés dans une remorque et c’est parti pour la route des lacs pour le week-end !

Thun, Brienz, Lungern, Sarnen, Alpnach, Vierwaldstätter, chacun à son étage, quelquefois séparés par des pentes ardues (le col du Brünig avec la remorque : chapeau Arthur !), les lacs s’enchaînent, glissant leurs eaux bleu glacier, vert émeraude ou gris ardoise dans les replis des montagnes. De Thun à Interlaken la route déroule un panorama exceptionnel sur le célèbre trio de 4.000 suisses : Eiger, Mönsch, Jungfrau.

La météo reste capricieuse mais garde son humeur sombre pour les fins de journées, nous offrant de belles pauses ensoleillées au bord de l’eau.

Nous avons toujours le même plaisir à pédaler et camper ensemble. Les enfants, à bonne école, sont à l’aise avec cette vie d’extérieur et les premières nuits de Marius sous la tente sont une réussite ! Aussi nous nous quittons avec un goût de trop peu à la gare de Lucerne avant de rejoindre Cornelia, notre « Warmshoweuse » du soir qui nous héberge dans son vaste appartement en cette soirée très pluvieuse.

La suite de l’itinéraire vers l’Autriche s’avère un peu complexe à planifier compte tenu de la fermeture persistante d’un grand nombre cols dans ce printemps peu empressé à élever les températures. Nous poursuivons donc sous un ciel souvent menaçant (et mettant même parfois ses menaces à exécution), le long du lac des quatre cantons, enchanteur, puis par Schwyz et le Walensee en restant à des altitudes raisonnables pour rallier la Suisse orientale et la vallée du Rhin à Coire, capitale des Grisons.

Nous comptons sur les conseils de Willie et Andrea, nos hôtes du soir, qui ont voyagé 6 mois à vélo en Australie, et qui connaissent bien leur région, pour choisir le meilleur chemin vers l’Autriche par les hauts cols qui émaillent leur canton.

Le 11 mai, journée de pause à Coire pour laisser passer la dépression et la neige qui l’accompagne là haut. Après discussion avec les locaux de l’étape, et un examen détaillé de la carte, nous jetons notre dévolu sur un grand détour par le sud, via le col du Splügen. Option, la plus longue et la plus dénivelée, mais empruntant les routes les moins fréquentées, et nous donnant l’occasion de parcourir plus complètement la région des Grisons. Un bref crochet en Italie et le passage du col de la Maloja, nous permettront de rejoindre la vallée de l’Engadine, avant de nous laisser glisser le long de l’Inn (rivière de mots fléchés) jusqu’à Innsbruck.