Du 17 au 20 avril – Le désert du Wadi Rum et Aqaba

Dernière soirée sur le rooftop de l’hostel Rafiki à l’ambiance routarde internationale, ravitaillement, plein d’eau (8 litres pour nous deux), ultime coup d’œil aux reliefs désordonnés qui recèlent la citée secrète, et nous reprenons notre pérégrination vers le sud.

Les cailloux deviennent sable, les pistes se muent en traces, le soleil mord plus fort, l’horizon s’agrandit : le désert s’annonce et nous contraint déjà à mettre pied à terre pour pousser nos bécanes.

Nos réserves d’eau s’avèrent amplement suffisantes tant il est facile de se ravitailler dans les villages ou hameaux traversés. C’était une de nos petites craintes avant de partir. Elle s’est vite évanouie, et nous avons rapidement optimisé le poids transporté en fonction de la nature des étapes.

Alors que nous atteignons Abassiya, un homme sort de la tente familiale et nous invite à boire le thé. Il fait chaud, on a du temps, on s’installe donc sur les tapis autour du feu pour une bonne heure de discussion avec les quinze garçons de la famille. Nouvelle occasion de constater la quasi « invisibilité sociale » des femmes dans le pays que nous traversons. Non pas qu’elles soient physiquement absentes. Elles parcourent les rues des villes, conduisent leurs voitures,… mais ne tiennent pas les commerces, ne discutent pas aux terrasses des cafés, et ne font que de furtives apparitions pour nous servir à boire ou à manger lorsque nous y sommes invités.

Un peu plus loin, dans son « village campement » Abu Sebah accueille les quelques touristes de passage à dormir sous sa tente. Re-thé, re-re-thé, et re-re-re-thé, puis on s’installe confortablement avant de profiter de la délicieuse douche, bien que froide, prise dans une cahute sans toit. Le vent qui s’apaise, le coucher de soleil sur les montagnes, magie d’une nuit dans le désert.

Ce matin la silhouette du Wadi Rum se profile au bout de la piste. Ses larges vallées sablonneuses hérissées d’énormes blocs de grès grossissent à vue d’œil lorsque nous croisons les premiers cyclistes de notre balade : un groupe de seize emmenés par un guide et suivi par un 4×4.

Le voyage à vélo en autonomie n’a pas encore acquis ses lettres de noblesses ici bien que toutes les conditions nous semblent parfaitement réunies : la gentillesse des gens, la beauté des paysages, les trésors culturels, et le tout sans le moindre sentiment d’insécurité.

Au bout de la route, nous arrivons au village de Ram, sorte de port au bord de la mer de sable du Wadi Rum. Nous y retrouvons Musalam qui, après le thé rituel, nous embarque en 4×4 à la découverte de son désert. On a choisi Musalam sur la base de divers conseils en espérant échapper un peu au tourisme de masse. C’est un peu raté pour ce soir. On se bouscule à la dune rose et à la maison de Lawrence. On découvre qu’en fait cette petite fraction de désert ouverte à l’exploitation touristique est quadrillée par les Toyota, et truffée d’hôtels de plein air maquillés en camps de bédouins.

Ceci mis de côté, le décor qui nous entoure est aussi unique que sublime. On pourrait rester des heures à contempler chaque bloc de grès, monument naturel édifié par le vent et la pluie, déposé sur son lit de sable jaune ou rouge.

Nous passons la journée du lendemain à faire le tour des cailloux les plus curieux du coin, à coup de petites randos-escalades super ludiques pour atteindre les sommets faciles. Un vrai paradis pour les grimpeurs.

Demain, Musalam nous déposera avec nos vélos un peu plus au sud, au-delà du sable infranchissable sur deux roues. Nous aurons ainsi le privilège de traverser encore un morceau de ce désert incroyable à la force des mollets. Les pneus dégonflés au maximum nous devenons experts en choix de trace. Il faut « lire » le sable pour essayer de deviner sa consistance, accélérer pour franchir sur l’élan les passages mous, et éviter à tout prix les empreintes de 4×4 où l’on s’embourbe à tous les coups. Heureusement, une douce pente nous accompagne jusqu’à la jonction avec route goudronnée.

La liaison d’une trentaine de kilomètres, dont une bonne partie sur la quatre voies, jusqu’à Aqaba sera peut-être la seule section sans intérêt de notre parcours. Heureusement, ça descend régulièrement de +700 m à 0. Trajet accompli vite fait bien fait pour arriver dans la cité balnéaire du pays. Des palmiers, des platebandes fleuries, des terrasses, des hôtels, l’air de la mer, ça ne ressemble à rien de ce que nous avons vu jusqu’ici, et ça sent vraiment les vacances.

Nous profitons de la fin de journée pour récupérer nos cartons envoyés par bus depuis Madaba et empaqueter nos montures.

L’urbanisme de la ville n’est malheureusement pas très tourné vers la mer qui est finalement peu présente. La plupart des rivages sont privatisés par des hôtels de luxe, et la plage publique, proche du port de commerce et jonchée de mégots donne assez peu envie.

Nous sacrifierons donc aux dieux du tourisme notre dernière journée de farniente sur une plage privée avec piscines, musique, zumba, baptême de plongée, restaurants, enfin, tout ce qu’il faut pour passer enfin de vraies bonnes vacances reposantes 😉

Demain, en quelques heures seulement, l’avion nous ramènera à Amman puis Paris dans une rupture brutale du temps et l’espace.

Mais ce soir, en dégustant notre poisson grillé, nous louons à nouveau ces heures passées en déambulation lente, au plus près des paysages des gens et des éléments. Des heures denses, intenses, des heures qui comptent triple. Et toujours cette question qui revient à chaque fin de balade : comment voyager autrement désormais ?